J’ai un handicap invisible : mon témoignage personnel sur la perte d’audition soudaine

En septembre 2020, ma vie a basculé de manière aussi soudaine qu’inattendue. Photographe, jeune papa comblé, je suis aussi une personne vivant avec un handicap invisible : une surdité unilatérale brutale.

Dans cet article, je souhaite livrer un témoignage personnel et intime. Mon objectif : sensibiliser à la surdité unilatérale, un handicap invisible qui, du jour au lendemain, a bouleversé ma vie. Que ce soit sur le plan familial, professionnel ou artistique, rien n’a plus été comme avant.

Entre vertiges déstabilisants, silence soudain, rééducation intense et lente renaissance, je vous partage aujourd’hui une histoire que je n’ai encore jamais vraiment osé raconter.

La musique, depuis toujours

« Tu chantais avant même de savoir parler », m’a confié un jour ma maman.
Depuis l’enfance, la musique est bien plus qu’un plaisir : elle est une respiration, un refuge, un moyen d’expressionprofondément ancré en moi. Elle m’accompagne, me porte, me relie aux autres autant qu’à moi-même.

C’est pourquoi la fête de la musique a toujours eu une place particulière dans mon cœur.
Et aujourd’hui, en cette journée symbolique et vibrante, j’ai choisi de vous dévoiler un chapitre intime de ma vie. Un épisode douloureux, profond, et fondateur. Sans doute l’un des plus marquants que j’aie jamais vécus.

Le jour où tout a basculé : le début de mon handicap invisible

Il y a des jours où la vie bascule sans prévenir. Des moments suspendus, gravés à jamais.
Je n’oublierai jamais le jeudi 10 septembre 2020. Ce matin-là, je me suis réveillé… différent.

Je suis un jeune papa. Ma fille vient tout juste d’avoir un mois. Elle dort paisiblement. De mon côté, je nage dans un bonheur simple, brut, presque irréel.
Le soleil brille. Je me lève comme d’habitude… mais immédiatement, quelque chose cloche.

Au moment de poser les pieds au sol, mon monde tangue. Littéralement.
Un vertige, une sensation de déséquilibre. Comme si le sol s’effondrait sous moi.
Je vacille. Je me rassois aussitôt sur le lit, perdu.

J’appelle Charlotte, ma femme. Je bredouille :

« Charlotte… je crois qu’il se passe un truc pas normal… j’ai des vertiges, j’ai perdu l’équilibre… »

Ma tête est compressée, oppressée. Tout semble venir de mes oreilles.

Alors, je pense à un bouchon. Ou peut-être une otite. Même si, à vrai dire, je n’en ai jamais eu.
Je me rassure comme je peux, me disant que ça va sûrement passer.

Mais non.

Ce n’était pas un bouchon.
Ce n’était pas une otite.
C’était le silence.
Un silence que je n’avais encore jamais connu. Et qui allait devenir permanent.

Le diagnostic du handicap invisible : un choc irréversible

Je ne suis pas très « médecin », mais Charlotte m’encourage vivement à consulter rapidement.
Je prends donc rendez-vous en urgence avec un ORL.

Ce jour-là, nous devions recevoir mon ami, le parrain de ma fille, pour une première rencontre. Pourtant, je décide d’annuler. Je suis inquiet. 

À 17h30, j’arrive dans un cabinet à Neuilly. L’ORL, un professionnel expérimenté, m’examine avec attention.
Dans l’oreille droite, il déclare : « Ah oui, vous avez un bouchon. »
Je réponds, surpris : « Mais c’est dans l’oreille gauche que je ressens un problème. »

Après une nouvelle vérification, il confirme qu’il n’y a rien à signaler. Puis, il me demande de le suivre dans une petite pièce, juste au cas où, pour faire un test auditif.
Je pose un casque sur mes oreilles. Il m’interroge sur les sons que j’entends :
À droite, les « bip » sont nets.
À gauche… silence.
Il repose la question. Toujours rien.

Son visage se ferme, le mien se vide.

Le verdict tombe. Il me prescrit un traitement lourd et nous convenons d’un nouveau rendez-vous dans une semaine pour faire le point.

Je sors du cabinet, les jambes tremblantes, perdu dans le bruit étouffé de la ville.

Au téléphone, je confie mes larmes à Charlotte :

« Je ne veux pas être sourd… Je ne veux pas… »

Elle me rassure, pleine d’espoir, rappelant que le traitement peut agir. Il faut patienter.


Continuer à photographier malgré le silence

Deux jours plus tard, un mariage m’attend.
Je dois me tenir debout, malgré le chaos dans ma tête.

En taxi, j’arrive en avance devant l’Église de Saint-Germain-des-Prés. Je profite de ce temps pour appeler mes parents.
Ils vivent aussi un tournant : chacun prend un nouveau départ dans le Sud-Ouest.
Je ne leur dis pas tout, pas encore, je garde espoir avec le traitement. Mais leur voix me donne un peu de force et me soulage.

Sous traitement, je tiens bon toute la journée.
Malgré la fatigue et le brouillard dans mon oreille, je reste concentré.
Mon appareil photo devient mon ancrage.
Les regards des mariés, ma ligne de vie.

Le lundi suivant, je devais reprendre mon ancien poste en présentiel.
Pourtant, je suis en arrêt maladie depuis le 10 septembre.
2020, année du Covid, où je n’avais déjà pas revu mes collègues depuis mars.

Rééducation, solitude et début de reconstruction

Une semaine plus tard, le verdict tombe : perte auditive irréversible.
Charlotte est à mes côtés. Notre fille attend dans la salle voisine avec son grand-père. Je dois rester fort devant elle, et pourtant, paradoxalement, c’est elle ma plus grande force.

Je commence à vivre avec ce handicap invisible, découvert il y a seulement 5 jours, sans encore mesurer toutes ses conséquences.

L’IRM suit, ainsi que la consultation d’un spécialiste, pour s’assurer qu’il n’y a ni tumeur ni autre pathologie grave. Une lettre d’urgence est envoyée à l’hôpital Lariboisière.
Le médecin ne fait pas de détour :


« Vous n’entendrez plus à gauche. »

Comme un coup de tonnerre dans un ciel serein.

Je suis le plus heureux des papas, mais en même temps, mon univers s’effondre.

Je dois désormais réapprendre à vivre.

  • À marcher droit.
  • À porter ma fille sans perdre l’équilibre.
  • À écouter malgré un sifflement constant dans l’oreille gauche. Sans oublier la fatigue mentale qui en découle.

Puis, cette phrase :


« Vous pouvez envisager un appareil auditif… Même si, à 31 ans, je comprends que ce soit difficile à accepter. »


L’annonce à mes parents

L’un des instants les plus difficiles a été d’annoncer la nouvelle à mes parents, par téléphone. D’expliquer, de prononcer la réalité que je ne veux pas encore accepter.
Leur fils ne pourra plus jamais entendre comme avant.

Pour mon anniversaire, le 7 octobre, ils m’ont fait la surprise de venir me voir à Puteaux.
Un mois après la perte d’audition.
Je ne m’y attendais pas. Ce fut une très belle surprise, bouleversante, un moment de bonheur partagé en famille.


Un long chemin

Les mois suivants s’enchaînent entre injections intra-tympaniques, séances de rééducation vestibulaire et examens approfondis de l’oreille interne, découverte des audioprothésistes…

Durant toute cette période, je reste en arrêt maladie.
Quant à mon travail, une entreprise que je considérais comme « familiale », le silence est total.
Pas un appel, pas un message.
Moi, qui avais tant donné pendant dix ans… rien. Juste l’indifférence.


S’adapter à un nouveau corps

Je dois apprendre à vivre autrement.

M’allonger d’un certain côté pour éviter les vertiges,
Faire attention en portant ma fille,
Éviter de conduire,
Supporter le bruit tourbillonnant de la douche,
Me déplacer dans la rue en analysant les sons d’un seul côté.

Je vous invite à essayer : mettez un AirPod gauche, lancez un bruit de vent ou un sifflement, activez la réduction de bruit, puis marchez dans une rue animée.
Vous perdez toute perception spatiale à 360 degrés, tous vos repères sonores disparaissent. Voilà ce que je vis.


La musique déformée, puis retrouvée

J’aimais chanter. La musique m’animait, tous les jours.
Mais quand j’ai remis un casque, ce fut un déchirement.

La stéréo est devenue mono,
Les sons paraissent plats,
Mes morceaux préférés, méconnaissables.

Pourtant, je ne me suis pas laissé sombrer.

Même si ce handicap invisible affecte encore mon quotidien, je suis devenu plus sensible aux bruits. Parfois, ils provoquent de véritables détonations dans ma tête.
Cependant, j’ai choisi de transformer cette épreuve en force.
Mon oreille droite compense le manque de l’autre côté.
Aujourd’hui, je suis plus attentif à la musique, elle me touche davantage  ses nuances, plus sensible émotionnellement et cela m’aide à avancer.

Choisir ma vie : photographe malentendant et papa poule

J’ai quitté mon poste.
J’ai fait un choix essentiel : choisir ma vie. (On n’en a qu’une, après tout !)

Je suis devenu pleinement photographe indépendant.
À mon nouveau rythme. Pour ma fille. Pour ma famille. Pour moi.
Et surtout… j’ai décidé de continuer à écouter la vie.
À ma manière.
À me reconstruire, physiquement et émotionnellement.

La musique est revenue, petit à petit.
Plus belle encore.

Je pleure à chaque concert, chaque spectacle.
Je pleure de gratitude.
Parce que j’entends encore, grâce à mon oreille droite.
Parce que j’entends les rires de ma fille, ses premiers mots.
Parce que je l’entends chanter, elle aussi, maintenant…


Se reconstruire, un pas après l’autre

J’ai eu la chance d’être bien entouré.
Par ma famille. Par mes amis. Par ma femme. Par ma fille.

Peu à peu, j’ai retrouvé le goût de la musique.
Même si mon oreille gauche reste muette, sifflante, et sur-sollicitée après chaque écoute.
J’écoute quand même.
Et surtout, j’entends.

Je découvre de nouveaux artistes.
Je découvre les nouveaux titres de mon ami Ārty Cøøper., Mélody Gardot, Matthieu Chedid…
Et je me laisse porter.


Accepter ce handicap invisible et vivre pleinement

Les années qui ont suivi m’ont offert une reconstruction.
À la fois physique, et psychologique.

Le plus dur ? Ne pas comprendre ce qui m’était arrivé.
Pourquoi ? Comment ?
Pas de réponse claire. Mais une certitude : je dois avancer.

Aujourd’hui, les vertiges ont quasiment disparu.
J’assume mon handicap invisible.

Je demande à changer de place au restaurant pour mieux entendre.
Je préviens mes interlocuteurs.

Ma nouvelle phrase automatique :

« Pardon, je n’entends plus à gauche, j’ai un problème d’audition. »

Je n’ai plus honte.
J’ai appris à vivre avec.

En février 2024, je franchis une nouvelle étape : je prends mes premiers cours de chant.
J’en rêvais depuis longtemps. On m’a ouvert la porte avec bienveillance.
Et j’y suis allé.


Une voix, une oreille… une furieuse envie de vivre

Aujourd’hui, je suis photographe.
J’aime chanter.
Je suis papa.
Et j’ai :

  • une oreille,

  • une voix,

  • une fille,

  • une famille,

  • et surtout : une furieuse envie de vivre, ressentir, partager.


Pourquoi je vous raconte tout ça ?

Parce que vous voyez passer sur mon Instagram des stories musicales, des instants chantés, ou encore des publications sur la surdité le handicap.

Parce que je mesure la chance que j’ai.
Cela aurait pu être bien pire. (Une pensée très forte pour le parrain de ma fille.)

Parce que, peut-être comme vous, je pense à celles et ceux qui vivent des épreuves encore plus dures.

Parce que trop souvent, on juge sans savoir, une personne qui semble « différente »
Et parce que, trop souvent, on oublie que derrière un sourire peut se cacher un combat.

Alors profitons. Intensément.
Tendons l’oreille aux petits bonheurs.
Et n’oublions pas…


Bonne fête de la musique !

Prenez soin de vous. Toujours.
Et surtout : n’arrêtez jamais d’écouter ce qui vous fait vibrer.

« Une journée sans musique est une erreur » – Friedrich Nietzsche.
Et c’est elle qui fait battre nos cœurs.

En savoir plus

Je suis photographe spécialisé dans les mariages et les familles.
Si vous souhaitez en savoir plus sur mon travail ou partager votre propre histoire, vous pouvez me contacter ici.